L'EXPLOITATION DES SCORIES AU DEBUT DU XXe SIECLE 

 

Le ferrier (appelé aussi crécis) est constitué des résidus de la réduction de fer, des débris des bas-fourneaux, des restes de charbon de bois, de cendres : tous ces déchets produits par la sidérurgie gallo-romaine. Ces matériaux se sont amalgamés en couches successives formant parfois des amas immenses. « Le ferrier russe » mesurait 18m de haut et 80m de long (abbé Ragot).

 

 

  Les scories ont été réutilisées par la suite pour :

  •  l'empierrage :
    Le ferrier sert à empierrer les chemins, les routes, le ballast des voies ferrées (au XIXe siècle les voies de communication se développent considérablement), à consolider les cours de fermes, d'école, de maisons particulières : ce matériau qui a la réputation d'être solide, facile à extraire et surtout peu onéreux était particulièrement apprécié.
     
  •  l'émaillage des pots :
    Dès la fin du XVIIe siècle, le laitier est employé par les potiers de Puisaye pour émailler leurs pots. Le laitier est réduit en fine poudre et après cuisson donne une couleur vernissée dont les tons varient de l'orangé au marron foncé. Son usage se répand au XVIIIe siècle et l'on voit alors apparaître en Puisaye des moulins spécialisés pour le concasser : les moulins à laitier.
  •  Le laitier est quelquefois aussi utilisé en maçonnerie à titre décoratif.

  • en sidérurgie
    On a cherché à récupérer le fer restant dans les scories et pour ce faire, on a expédié le ferrier dans les hauts-fourneaux de Lorraine. Les scories auraient eu également un rôle de stimulant pour les hauts-fourneaux.

 

Dès 1906, la famille de Lestrade, propriétaire du site de la Garenne, cherche en collaboration avec des industriels, à mettre en place l'exploitation à destination de la sidérurgie, plus rentable que l'empierrage.

 En 1907, les scories sont acheminées jusqu'à la gare de Villiers-st-Benoît dans des tombereaux tirés par des chevaux ce qui est laborieux et endommage les routes.

En 1908, MM. Roulina et Olivier, industriels, achètent le droit d'exploitation du site. Un industriel lorrain procède alors à l'analyse des scories de Tannerre : le fer restant mais aussi le phosphore et le manganèse présentent un intérêt.

L'exploitation intensive se met en place et on envisage la création d'une voie ferrée reliant Tannerre à Villiers.

Le travail est alors principalement manuel: crochet, pioche, pelle, râteau, fourche, brouette, crible sont les outils utilisés.

Exploitation du Ferrier au XXeme siècle
Les ouvriers, alignés, attaquent les buttes de ferrier à la pioche. Ils jettent les scories sur un gros crible au bas duquel se trouve une brouette; les gros morceaux sont ainsi récupérés. Des planches facilitent le déplacement de brouettes jusqu'aux wagonnets eux-mêmes vidés dans des wagons à destination de Villiers. Les scories sont expédiées aux Aciéries de la Marine Française à Homécourt et à Pont-à-Mousson en Meurthe et Moselle.

Exploitation du ferrier au XXe siècle

En 1914, la guerre met un arrêt aux expéditions : la Lorraine est occupée par l'armée allemande et l'un des concessionnaires, Charles Roulina est mobilisé. Puis, l'exploitation, cédée à une autre société dont le directeur est Louis Gauthier, reprend de façon irrégulière. Pour pallier au manque d'ouvriers partis à la guerre, on emploie des réfugiés belges et des Italiens. (1916). Parfois même les femmes effectuent ce dur labeur.

Des bâtiments sont construits sur place. On a ainsi gardé le souvenir de la «cantine », grand bâtiment de briques de 20 m sur 10 m où les ouvriers pouvaient se restaurer. Certains ouvriers devaient y dormir car le bâtiment était vaste et possédait un étage, sans doute à usage de dortoir.

 

 

 

LE TRAIN RELIANT LE FERRIER DE LA GARENNE A LA GARE DE VILLIERS-SAINT-BENOÎT

 

(7,3 km) d'après M. Roger Loffroy

Les premiers transports de scories étaient effectués dans des tombereaux tirés par des chevaux. On envisagea dès 1906, la création d'un transport par rail type Decauville à traction animale. Après plusieurs projets qui ne purent se réaliser, les travaux commencent en 1911 : il s'agit cette fois d'un chemin de fer à voie étroite devant respecter des normes précises. Les travaux sont achevés fin 1912.

 

 Matériel mis en service:

  • 3 locomotives à vapeur
  • Des wagonnets à 2 essieux à benne triangulaire
  • Des wagons-tombereaux à 2 essieux à benne fixe rectangulaire
  • Sur le site de la Garenne, un système complexe de plaques tournantes et d'aiguillages est installé, un hangar-atelier est construit.

 

Trajet:

  • 3 wagons sont conduits jusqu'à la station des Mussots: la pente très raide ne peut être franchie avec les 6 wagons.
  • La locomotive retourne chercher 3 autres wagons puis repart avec les 6.
  • A mi-parcours, (au bois Carré), sur un site aménagé, le train s'arrête pour approvisionner la machine en eau si nécessaire.
  • A l'arrivée à Villiers, une deuxième locomotive qui était en attente, pousse le convoi pour accéder à l'estacade.
  • Après déchargement, la première locomotive reste en attente tandis que la deuxième retourne à la Garenne avec les 6 wagons vides.
  • Le convoi vide croise, soit à la prise d'eau, soit aux Mussots, un convoi plein tracté par la troisième locomotive .

6 trains circulent ainsi chaque jour, transportant 200 à 240 tonnes de scories.

La ligne fonctionne jusqu'en 1931. Elle est abandonnée, concurrencée par le transport par camion. Elle est entièrement démontée et le matériel vendu.

Après la deuxième guerre mondiale, seule l'exploitation pour l'empierrage se poursuit : les scories sont vendues pour l'entretien des routes, des chemins et des cours. Des engins mécaniques font leur apparition : pelleteuse, bulldozer ... Ils sont très efficaces mais bouleversent le site. Les vestiges historiques, traces gallo-romaines et du château-fort, sont détruits ou fortement endommagés.

 

En 1982, grâce à la ténacité de M. François-Pierre Chapat, le site est classé Monument Historique et l'exploitation cesse définitivement.

 

 

Sources:

François-Pierre Chapat : la Puisaye au temps de Ferriers (1980-1997).

Roger Loffroy : bulletin du Vieux Toucy n° 68 (1998).